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L'éconoscaphe
8 août 2018

La courbe d'emmerdement ou pourquoi ce sont les meilleurs qui partent en premier...

Pour ceux qui n'auraient jamais entendu parler de la courbe d'apprentissage, voici quelques explications sur le concept. C'est une courbe qui illustre le fait qu'avec le temps, on acquiert une expertise dans son travail et donc une meilleure efficacité dans celui-ci. Quand on commence un nouveau travail, on est en phase d'apprentissage et donc, on est assez peu efficace. Mais plus le temps passe et plus on apprend son métier et donc on est de plus en plus efficace. La courbe n'est pas linéaire car elle illustre le fait qu'on apprend beaucoup au début mais que sur du plus long terme, il y a moins à apprendre et l'expertise plafonne après un certain temps. Ou que le gain d'efficacité est rapide au début mais quasiment nul quand on commence à maîtriser son travail.

 

courbe emmerdement

Poussons maintenant la réflexion un peu plus loin...

Du côté de l'entreprise, quand on embauche une personne, on a déjà défini les contours des prestations attendues. Quand on estime qu'on a une quantité suffisante de travail supplémentaire à fournir pour occuper une nouvelle personne, on va recruter. Donc, on a une quantité de travail budgétée à fournir (ligne orange). C'est la quantité de travail qui est attendue du nouveau collaborateur.

 

courbe emmerdement 2

Maintenant, reprenons notre courbe d'apprentissage. Au fur et à mesure que l'expertise de l'employé s'affine, il prendra de moins en moins de temps pour effectuer ses tâches. Il y a de moins en moins d'hésitations, de plus en plus d'automatismes, des décisions plus rapides, moins d'erreurs à corriger, un réseau informel qui se forme au sein de l'entreprise et donc, une entraide plus efficace aussi. Bref, beaucoup de raisons pour lesquelles le job va être fait de mieux en mieux et de plus en plus rapidement. C'est la courbe bleue.

Donc, si l'environnement de travail reste inchangé, il arrive inévitablement que le temps effectivement pris pour faire le boulot sera inférieur au temps de travail budgété. L'employé va donc se retrouver avec du temps disponible pour faire autre chose que le boulot pour lequel il est payé. On est dans la zone orange. Au début, quand ce temps disponible n'est pas trop important, on va s'occuper de tâches annexes comme trier sa boite mail, élargir ses connaissances, lire des notes, s'intéresser à d'autres services, etc. C'est la zone orange du graphique. Le temps nécessaire pour effectuer le job demandé est plus court et le temps qui reste est exploité dans des tâches annexes mais toujours en relation avec l'activité.

Mais plus on avance dans le temps, et le temps pris pour les tâches annexes nous a rendu encore plus efficace et donc, non seulement on est plus efficace dans le job de base mais aussi dans les tâches annexes. On arrive donc dans la zone rouge : la zone d'emmerdement. Quand on a effectué toutes les tâches habituelles et toutes les tâches annexes et qu'il reste encore du temps, c'est là qu'on commence à s'emmerder dans un job. On va commencer à tourner en rond, à faire des choses qui ne sont plus en relation avec le boulot (comme écrire pour un blog...), partir plus tôt, surfer sur le net, etc. Il semble donc assez logique de s'emmerder dans un boulot après un certain temps. C'est aussi ce qui donne l'impression de tourner en rond.

Et c'est aussi à ce moment que les besoins de l'entreprise et de l'employé sont le plus en contradiction. D'un côté l'entreprise ou le service ne veut pas se priver de quelqu'un qui a atteint un tel niveau d'expertise et de l'autre côté, l'employé s'emmerde dans son boulot. D'un côté l'employé aimerait avoir des perspectives d'évolution qui ne sont pas forcément proposées par l'entreprise soit par manque de volonté (ne pas se priver d'un bon élément dans sa tâche actuelle) soit par manque de perspectives dans l'organigramme (pas de poste à pourvoir en accord avec les compétences de l'employé). Alors bien sûr certaines personnes supportent très bien le fait de s'emmerder une bonne partie de la journée mais d'autres beaucoup moins bien. C'est une fois qu'il est dans sa zone d'emmerdement que l'employé va se décider à partir et à aller voir ailleurs. Et dans tous les cas, c'est l'entreprise qui est perdante. En effet, il faudra embaucher quelqu'un qui sera moins efficace, qui va demander des ressources supplémentaires pour être formé, elle va perdre une expertise qui aurait pu être utilisée ailleurs, etc. Tandis que l'employé quittera une zone de confort et prendra le risque de se lancer chez un nouvel employeur, pour un nouveau travail, un nouvel apprentissage, etc.

Donc, finalement, on aboutit à une situation de loose-loose. Chacun est perdant.

Quelles pourraient être les solutions à mettre en place?

On pourrait arguer qu'il suffit d'augmenter la charge de travail au fur et à mesure pour qu'on ne puisse pas arriver dans la situation où on s'emmerde. Certes, mais y-a-t-il assez de travail pour arriver à maintenir les gens hors de leur zone d'emmerdement? Peut-être qu'augmenter la charge de travail au fur et à mesure fait arriver à un point de saturation où la charge de travail est telle qu'elle en devient démotivante aussi.

Une autre alternative serait de monitorer les performances et quand celles-ci deviennent trop bonnes, changer la personne de poste. Ainsi, on garantit un apprentissage régulier et donc, on empêche l'arrivée de ce temps d'emmerdement. On fidélise ses employés et on augmente l'expertise globale de l'entreprise. Dans ce cas, on est vraiment dans une situation de win-win.

La morale de l'histoire c'est qu'il est nécessaire que les entreprises prennent conscience qu'après un certain temps, les gens finissent par se lasser de leur job. Et ceux qui s'emmerdent le plus, ce sont leurs meilleurs éléments, ceux qui sont les plus efficaces. Et qu'il est utopique de penser que s'ils se tournent les pouces, ils devraient plutôt se concentrer sur les tâches annexes. S'ils se tournent les pouces, c'est déjà trop tard, les tâches annexes ont déjà été réalisées. C'est à ce moment-là qu'il est temps de faire évoluer les gens et leur donner des perspectives, sinon, ces ressources, les éléments les plus productifs, vont être perdues et vont probablement aller enrichir le personnel de vos concurrents.

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